En matière correctionnelle, les peines doivent être spécialement motivées
Auteur : Samuel ROTHOUX
Publié le :
27/04/2017
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Aux termes d’un arrêt rendu le 1er Février 2017 (Cass. Crim. 1er Février 2017), la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence, en jugeant qu’en « matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ».
En l’espèce, devant la Cour d’Appel, un dirigeant de deux sociétés a été reconnu coupable d’avoir commis l’infraction d'abus de biens sociaux et a été condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’à celle de 30 000 € d’amende, pour avoir transféré, en l’absence de toute convention, la quasi-totalité de la trésorerie de l’une vers l’autre.
En outre et à titre de peine complémentaire, les Juges du Fond (Cour d’Appel de REIMS, arrêt du 20 Mai 2015) ont prononcé, à l’encontre du dirigeant, une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale pendant une durée de cinq années (conformément aux dispositions de l’article L.249-1 du Code de Commerce).
Le dirigeant condamné a régularisé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel, en faisant valoir qu’en prononçant une telle peine complémentaire d’interdiction, les Juges du Fond avaient porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Aux termes d’un arrêt en date du 1er Février 2017, la Cour de Cassation a écarté cet argument.
Après avoir énoncé qu’en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, la Chambre Criminelle a jugé que l’interdiction prononcée, à titre de peine complémentaire, était suffisamment motivée.
En l’espèce, la Cour de Cassation a souligné que les Juges des Fond avait relevé que le dirigeant, poursuivi pour abus de biens sociaux, avait suivi une école de commerce, était dirigeant de sociétés depuis de nombreuses années, ne percevait pas de rémunération au titre de la gérance de la société bénéficiaire des transferts et qu'il percevait des revenus fonciers de l'ordre de 10 000 € par mois.
En outre, les Juges du Fond avaient retenu que le dirigeant avait privilégié les intérêts de l’une des sociétés et délibérément sacrifié l’autre.
Dans le cadre de cet arrêt rendu le 1er Février 2017, la Chambre Criminelle a opéré un revirement de jurisprudence dans le domaine du prononcé des sanctions pénales, au visa des dispositions de l’article 485 du Code de Procédure Pénale (énonçant le principe de motivation des décisions correctionnelles) et de celles de l’article 132-1 du Code Pénal (déterminant les critères dont le Juge pénal doit tenir compte lorsqu’il prononce une peine).
Jusqu’alors, la Cour de Cassation considérait que, sans avoir à s’en expliquer, les Juges répressifs appréciaient, dans les limites fixées par la loi, la sanction à infliger à l’auteur d’une infraction.
Au vu de la teneur de l’arrêt rendu par la Chambre Criminelle, il est possible d’envisager que les dirigeants poursuivis s’empareront de cette nouvelle jurisprudence afin de contester les peines prononcées, étant toutefois rappelé que le rôle de la Cour de Cassation sera limité à s’assurer que les motifs des arrêts d’appel sont dénués d’insuffisance ou de contradiction.
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